Resté ô combien silencieux depuis son annonce en octobre dernier, c'est au sein d'une structure bâtie à la gloire de l'inconnu spatial que le studio No Code nous avait donné rendez-vous en Ecosse pour enfin poser nos paluches d'apprenti-cosmonautes sur le très mystérieux Observation. Reste maintenant à savoir si l'après-Stories Untold réussira une nouvelle fois à nous faire quitter la Terre...
De ce thriller en forme de huis-clos prenant place à ce qui ressemble fortement à une version à peine remaniée de la Station Spatiale Internationale, peu de choses nous étaient jusqu'alors parvenues. Après une heure passée à incarner une IA kubrickesque répondant au nom de "S.A.M.", le ciel cosmique s'est enfin éclairci. Pour ceux qui auraient loupé la fusée, la nouvelle production des écossais de No Code vous place bel et bien dans la "peau" d'un ordinateur de bord omniprésent, officiant pour le compte de quelques chanceux orbitant autour de notre bonne vieille planète bleue. Et si la mission semblait jusqu'alors ronronner comme un veux matou en plein soleil, Observation s'ouvre sur le réveil méchamment salé d'Emma Fisher, une astronaute esseulée qui se retrouve tel un lendemain de cuite avec un vague souvenir de catastrophe, sans pour autant parvenir à remonter le fil des événements.
Spin Doctoresse
Avec une station orbitale en pleine dérive, la jeune femme doit rapidement reprendre le contrôle de la situation pour espérer revoir un jour le terrestre plancher des vaches. Heureusement, le père S.A.M. est là pour lui faire un rapide topo de la situation. Seule ombre au tableau : l'IA, elle aussi en état de choc, a vu la quasi-totalité de sa mémoire corrompue et rendue inaccessible par le récent incident dont on ignore tout. Derrière la facilité scénaristique destinée à rendre ce drôle de protagoniste aussi ignorant que le joueur fraîchement débarqué, Observation parvient tout de même à poser en l'espace de quelques minutes son ambiance angoissante de huis-clos nouvelle génération. Car si les premières minutes forcément tutorielles permettent de se familiariser avec l'interface singulière du jeu, un premier twist tombe bien vite pour poser avec gravité les enjeux de ce bad trip extra-orbital, alors que l'apparition au hublot d'une célèbre ceinture cosmique fait immédiatement comprendre à Emma qu'elle se trouve loin, très loin de sa chère planète bleue.
Faute de trouver la moindre trace de l'équipage, c'est bien avec cet étonnant duo femme-machine qu'Observation structure, du moins au début, son récit. Il faut reconnaître aux acteurs Kezia Burrows (Alien Isolation, Remember Me...) et Anthony Howell (Vampyr, Anthem) un certain talent dans l'interprétation, car les interactions entre ces deux entités s'avèrent pertinentes, et promettent selon les frères McKellan, patrons du studio, un intéressant développement :
Une grande partie de la narration s'attache à montrer la prise de conscience progressive de S.A.M., à travers le joueur. Je ne sais pas si les joueurs s'en rendront compte, mais au début de l'histoire, S.A.M. parle de façon très "robotique", mais au fur et à mesure, il va se détendre et devenir plus organique. S.A.M. et Emma ont besoin l'un de l'autre, et ils vont donc apprendre à se connaître.
S.A.M. Laboratory
Le joueur n'aura cependant pas la liberté de choisir lui-même cette évolution, puisque les interactions se limitent encore durant cette introduction à l'exécution de certaines tâches plus ou moins complexes : S.A.M. commence par demander (ou non) une reconnaissance vocale digne de ce nom pour laisser la cosmonaute esseulée accéder aux fonctions de l'OS du turfu, avant de passer en revue à travers les nombreuses caméras de chaque pièce l'état de cette station partie à la dérive. D'abord un brin lourdaud, ce système de navigation purement télévisuel se détend en allant modifier dans les paramètres la vitesse de rotation de ces CCTV cosmiques. Faite de chair et d'os, Emma ne pourra franchir les différents sas que grâce à l'aide de S.A.M., qui profitent de son immatérialité pour se synchroniser progressivement avec les nombreux appareils en lévitation. Un incendie automatiquement détecté nécessitera par exemple d'aller voir à l'autre bout de la station de quoi il retourne, et illustrera à merveille l'indispensable coopération qu'il faudra mettre en place pour espérer comprendre ce qu'Observation veut nous raconter.
Assez légers pour l'instant, les puzzles à résoudre prennent quasi-systématiquement la forme de mini-jeux somme toute classiques, mais qui faute d'explication claire pourront sans doute générer un peu de frustration chez les joueurs les moins observateurs. L'interface manquant parfois de clarté, les complétistes de l'espace auront sans doute tendance à relancer leur sauvegarde pour viser l'exécution parfaite. Et si les frères McKellan insistent sur la structure linéaire du récit, la réussite de ces épreuves pourra par moment influencer certaines parties de l'histoire :
Observation n'est pas un jeu de choix, à la Telltale, nous n'avons qu'une histoire à raconter. Dans la démo, vous pouviez réussir ou non à éjecter proprement un module : cela aura un impact plus tard dans le jeu, alors que vous pourrez faire une sortie dans l'espace : si le module n'a pas été correctement détaché de la station, il sera alors inaccessible et vous ne découvrirez pas ce qu'il s'y cache.
Perdu dans l'espèce
S'il ne nous aura été permis que de visiter l'intérieur de cette station en perdition, l'exploration à travers S.A.M. prend un peu de hauteur au moment où Emma lui permet d'accéder au Microgravity Guidance Sphere, un module rond et borgne qui n'aura pas manqué de nous rappeler ce cher Wheatley croisé dans Portal 2, le côté mégalo en moins. Aux commandes de cette sphère, il vous sera alors possible de vous déplacer sans inertie au sein de cet espace exiguë, qui met tout de même bien vite à l'épreuve notre sens de l'orientation :
Situer l'action au sein d'une station spatiale répondait à une volonté : celle de se déplacer librement tout en ayant cette sensation de claustrophobie permanente, puisque vous êtes contrait d'explorer de toutes petites pièces. Les gens vont être désorientés à l'intérieur de la station, et c'est intentionnel.
Il faut dire que la petitesse des différents modules à explorer s'accompagne d'une ambiance tantôt sourde, tantôt carrément malsaine, alors qu'un mystérieux message censé s'adresser à cette drôle d'IA apparaît après une montée acoustique dérangeante : AMÈNE-LA. Elle ? S'agit-il d'Emma, ou de la station ? Le mystère demeure pour l'instant aussi entier que les oeufs, mais le cliffhanger de cette première heure de jeu, qui voit débarquer un mystérieux et insaisissable protagoniste dont nous tairons à peu près tout, pose tellement de questions que nous avons déjà hâte de connaître la suite de ce huit-clos technologique. L'ambiance était tellement pesante que votre serviteur n'aura pu s'empêcher de hurler au moment ou le producteur exécutif est venu annoncer, non sans poser sans crier gare une main sur l'épaule, la fin de la session de jeu. Une chose est sûre : dans l'espace, tout le monde nous a entendu crier.
ON L'ATTEND... POUR VITE CONNAÎTRE LA SUITE
Une chose est certaine : ce premier contact avec le nouveau jeu de No Code aura su rapidement nous happer dans son univers empreint d'angoisse et de malaise à plusieurs années-lumière de notre bonne vieille Terre. Si la relation entre Emma et S.A.M. parvient à se développer comme le promettent les développeurs, et si les mini-jeux réussissent à suffisamment se renouveler pour ne pas tomber dans une routine trop ronflante, les amateurs de thriller devraient trouver là de quoi se régaler durant quelques heures. Encore faut-il que cette lettre d'intention parvienne à conserver jusqu'au bout son rythme haletant. Une chose est sûre, après une heure passée en compagnie de cet improbable duo, nous n'avons qu'une hâte : connaître la suite de l'histoire. Là, tout de suite.